Les évolutions de la carte Vitale et la carte Vitale biométrique
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Carole Lépine, Vincent Ruol (Igas), François Auvigne, Hadrien Haddak et Adrien Bayle (IGF)
A la suite d’un amendement sénatorial visant à mettre en place une carte Vitale « biométrique » pour lutter contre la fraude sociale, l’Igas et l’IGF ont été chargées d’en étudier la faisabilité.
De manière générale, la fraude constatée (env. 0,1 % des prestations versées) est significativement inférieure à la fraude estimée (entre 3 et 5%). Elle est pour l’essentiel le fait des professionnels et établissements de santé (pour environ les trois quarts des montants détectés). Parmi les actes de fraude imputables aux assurés, la fraude à l’identité (c’est-à-dire à la carte Vitale) est résiduelle.
Le stock de millions de cartes surnuméraires qui existaient au début des années 2010 a été apuré et réduit à un millier à fin septembre 2022. Les mesures prises pour éviter qu’il ne se reconstitue et empêcher des consommations de soins sont appropriées.
Par conséquent, le caractère proportionné du recours à la biométrie dans un objectif de lutte contre la fraude parait difficile à établir, faisant peser un risque juridique majeur si cette solution était retenue. De plus, son coût estimé (plus d’1Md€, qu’il s’agisse du scénario « empreintes digitales » ou « reconnaissance faciale ») n’apparaît pas proportionné à la fraude ainsi évitée.
La mise en œuvre d’un contrôle biométrique, rejeté par les professionnels de santé, et appliqué à la population entière dans le cas particulier de l’accès aux soins et de la facturation des frais de santé, aurait pour inconvénients majeurs d’exclure une partie des assurés légitimes (a minima plusieurs centaines de milliers de personnes), rendant indispensables certaines adaptations limitant la portée du contrôle (pharmacies…), compliquant les formalités d’admission en établissement, et créant un risque de compromission d’une donnée personnelle non révocable.
En revanche, l’inscription du NIR sur la CNIe ou les titres de séjour permettrait de répondre à un triple objectif de lutte contre la fraude, de protection de la santé publique (en facilitant la mise en œuvre des mesures d’identitovigilance) et de simplification administrative, tant pour les usagers (une seule démarche, résolution des difficultés liées à la gestion des mineurs) que pour les professionnels de santé (même matériel que pour l’application Carte Vitale, diminution du taux de rejets), qui s’y sont généralement montré favorables.
Le remplacement de la carte Vitale par ces supports électroniques sécurisés s’inscrirait en outre en cohérence avec le déploiement de l’application carte Vitale (ApCV), puisqu’elle partagerait son architecture (téléservice ADRi), et les mêmes matériels (lecteur NFC).
Ce scénario, pour être acceptable par la CNIL, suppose de satisfaire certaines conditions de mise en œuvre (étanchéité du container, sécurité…), qui n’apparaissent pas en première analyse hors de portée. Une étude de faisabilité associant les services du Ministère de l’intérieur devrait permettre de s’en assurer.
S’agissant de l’ApCV, dont l’enrôlement est biométrique depuis septembre 2022, la mission recommande de sécuriser son déploiement et de desserrer son calendrier de généralisation, en raison des défauts opérationnels apparus lors de la présérie – testée sur des échantillons très modestes (moins de 200 cas).
La mission propose par ailleurs d’autres pistes non biométriques afin d’améliorer l’efficacité de la lutte contre la fraude : horodatage des flux SESAM-Vitale, prescription de médicaments onéreux ou stupéfiants sécurisée, contrôles bloquants pour les actes et dispensations aberrants, contrôles resserrés des conditions de résidence pour l’ouverture des droits à l’assurance maladie.